Qu'est-ce que le storytelling ?
Cette semaine, nous allons commencer avec vous le partage d’informations concernant le « STORYTELLING », un procédé qui permet de transmettre un message, communiquer sur une marque, lancer un nouveau produit.
Commençons par comprendre ses origines, son usage dans la publicité en passant par ses impacts sur le public.
Le storytelling est une riche pratique de communication, celui qui la maîtrise possède un don.
L’idée est de comprendre ces « raconteurs d’histoire », s’en inspirer, et, pourquoi devenir à notre tour celui qui narre, qui fait rêver et voyager celui qui partagera ses mots…
Evoquer la notion de storytelling c’est avant tout intégrer l’idée que c’est un trésor.
Raconter l’histoire, c’est un cadeau, un privilège qui demande une forte et douce implication, une profonde bienveillance, un respect, afin de recevoir à l’infini de ceux pour qui on écrit…
Tous les hommes ont toujours eu besoin de se raconter … à eux-mêmes et aux autres.
Mais, pas que … Chaque histoire est unique, et à un pouvoir magique … mais, pas seulement.
Les histoires font parties de notre patrimoine génétique
Le fait de raconter des histoires est essentiel pour l’espèce humaine. Elles seraient l’une des explications de notre survie depuis le début.
Les peintures rupestres sont les premières manifestations de la volonté de l’homme de narrer des histoires. Il y a 70 000 ans l’homo sapiens cohabitait avec d’autres espèces humaines comme l’homme de Florès ou l’homme de Néandertal.
Comment l’homo sapiens a pu s’imposer au profit des autres espèces humaines ?
L’utilisation du langage est un des éléments de réponse. L’homo sapiens a su exploiter le langage pour décrire l’intangible, évoquer les choses que nous ne pouvions pas voir, sentir, toucher ou goûter. La langue ne servait plus uniquement comme un outil employé pour alerter les autres.
Cette utilisation du langage a permis à l’homo sapiens de rassembler et de mettre en place les prémices d’une culture. L’homo sapiens s’est hissé au sommet de la chaîne alimentaire.
Le langage a permis aux homo sapiens d’échanger, de communiquer, de « mettre en commun ».
L’homo sapiens est un animal qui a conscience de posséder une histoire, qui a un début et une fin. Le fait de raconter lui permet d’appréhender sa réalité.
Selon le philosophe Paul Ricoeur, l’expérience narrative possède une propriété essentielle. Elle transforme l’hyper-complexité du réel en un modèle imaginaire schématique et unifiant, qui permet à l’homme de s’approprier ce réel et de se rassurer sur lui-même et sur sa place dans l’univers.
Pour les chercheurs, l’évolution du langage est une des premières révolutions cognitives. La plus grande évolution n’est pas physique, elle est cérébrale.
Nos calendriers sont dictés par des éléments de narration : fêtes nationales, fêtes religieuses …
Lorsque nous sommes amenés à évoquer le storytelling dans une stratégie de contenus, ces éléments temporels sont fondamentaux. C’est à la marque d’imprimer son rythme, de créer sa propre actualité en fonction du calendrier de son secteur.
Redbull par exemple a réussi à s’emparer des secteurs du domaine des sports extrêmes, au-delà du sponsoring, Redbull a créé ses propres médias lui permettant d’inscrire sa présence au cœur d’événement du secteur et de devenir incontournable dans l’esprit du public.
Les hommes héritent tous d’une construction narrative, nous héritons d’une lignée d’ancêtres, d’une famille plus ou moins étendue, riche de récits, et de figures emblématiques. Nous héritons aussi d’un patronyme qui peut changer au cours de notre existence à la suite d’un mariage par exemple. Nos parents nous attribuent un prénom rempli de sens. Ce choix se faisait auparavant par rapport à un ancêtre, un saint, un personnage de roman etc… Tous ces éléments constituent des briques narratives.
Ces briques narratives nous permettent de constituer notre propre histoire personnelle.
Nos cultures agissent comme un véritable intégrateur social ouvrant le champ à un récit collectif.
Le dramaturge norvégien Henrik Ibsen dans sa pièce « Peer Gynt » considère que l’homme est comme un oignon. Lorsque nous le pelons, nous arrivons à un noyau constitué par du rien. Nous sommes dépendants du sens que la narration donne à notre existence, ne pouvant nous empêcher d’en trouver partout.
Les récits renferment un grand pouvoir pédagogique. Ils fonctionnent comme des démonstrations.
Bruno Bettelheim un pédagogue et psychologue américain d’origine autrichienne considère que la tension narrative permet d’imprégner plus profondément notre esprit en nous rendant acteur par procuration de l’histoire.
Les histoires font parties du patrimoine de l’humanité. Mais les Etats-Unis ont été les plus actif à s’en emparer et à les industrialiser
Les Etats-Unis sont une nation jeune. Très vite après la colonisation, il y a eu une volonté de créer une culture distincte. Les premiers récits américains sont coloniaux. De la littérature naissent les conditions d’une culture commune et l’émergence d’un « esprit » américain qui va permettre dans une moindre mesure à l’affranchissement de l’influence coloniale britannique et à la naissance d’une identité propre qui va conduire à la guerre d’indépendance des treize colonies.
Depuis des siècles, le storytelling est partout aux Etats-Unis. L’art du récit est présent en politique avec les présidents Ronald Reagan, et plus récemment Barack Obama. Il est aussi présent dans le système éducatif. Dès le plus jeune âge, les enfants sont amenés à se raconter devant la classe. Cette pratique se différencie de l’exposé plus académique en France. Le but ici est de narrer une histoire, en exposant par exemple en décrivant le parcours de sa famille, ou alors en présentant le métier de ses parents. L’enfant est aussi amené à présenter des projets scientifiques qu’il a réalisés.
Le principe de ces présentations est d’affirmer l’individu face au groupe, de l’amener à prendre la parole. Tout ceci participe à la construction d’un esprit collectif, à un sentiment d’appartenance.
Aux Etats-Unis, les américains considèrent qu’écrire une pièce de théâtre, raconter une histoire, écrire un livre sont des savoir-faire enseignables.
En France jusqu’à récemment la figure d’écrivain possédait une dimension romantique, attachée à une image de loup solitaire, en proie au spleen voire maudit.
A l’opposé des Etats-Unis où existent depuis des décennies des classes de « creative writing ». Les écrivains américains ont adopté une posture plus pragmatique et moins complexe vis à vis de leur propre activité que les écrivains européens. Ce pragmatisme américain a permis d’industrialiser le processus afin de les rendre rentables. Le cinéma est par exemple depuis le début ancré dans une logique économique.
La publicité évolue en fonction des conditions de production et de consommation de la société.
Les périodes d’histoire de la publicité sont marqués par la prédominance d’un modèle de conception. Ces modèles ne se remplacent pas, mais s’ajoutent les uns aux autres.
Malgré les révolutions perpétuelles (par exemple avec le numérique) le client lui n’a jamais vraiment changé.
Paul Feldwick le souligne dans son ouvrage « The anatomy of Hamburg ».
Pour chaque modèle publicitaire, la bataille fait rage entre les partisans d’une persuasion rationnelle (fondée sur des données et des études) et ceux qui insistent sur l’importance de la séduction. Peu importe l’axe choisi, le but du jeu est d’augmenter l’attractivité d’un produit ou d’un service, en donnant au consommateur une bonne raison de l’acheter. Le seul objectif d’une campagne publicitaire est de faire vendre.
Les étapes étant tout d’abord d’éveiller l’intérêt, tout en communicant une conviction, puis de favoriser le passage à l’acte d’achat en facilitant la connaissance et la mémorisation de la marque en question.
La préhistoire de la publicité se situe durant les années 1920. La consommation n’est pas encore aussi développée et les points de vente sont rares. Il existe des publicités imprimées mais le rôle du vendeur est prépondérant.
La fin des années 1950 marque l’essor de la grande consommation et l’essor du modèle de la persuasion. La télévision devient un outil pour la communication publicitaire. C’est l’âge d’or des « Uniques Selling Talents ».
La publicité doit convaincre le consommateur de la supériorité d’un produit sur un autre en mettant en scène la fameuse « Unique Selling Proposition » (USP).
L’USP est caractérisée par une proposition de valeur offrant un bénéfice spécifique à la marque suffisamment motivant pour l’acheter.
Les publicités sont essentiellement fondées sur la démonstration des qualités du produit vendu.
A partir de 1968, les agences de publicité britanniques inventent le « planning » stratégique. La volonté est de créer une organisation pour associer les objectifs de campagnes de publicité aux compétences spécialisées des collaborateurs. C’est le modèle de l’implication.
Le concept de « branding » devient un élément central de la publicité et du marketing.
Entre 1970 et 1980, la publicité entre dans l’ère de l’implication. La consommation évolue. Consommer devient une manière de raconter quelque chose de soi.
C’est l’âge d’or du « Branding ».
Le modèle publicitaire de « l’implication » est le premier âge d’or du storytelling .
Au début des années 2000 un nouveau modèle apparaît : la disruption
Les notions de « branding » et de territoire de marque sont à leur sommet.
La disruption est une méthode inventée et formalisée par Jean-Marie Dru. Elle permet de renouveler le storytelling d’une entreprise en créant une rupture significative dans son positionnement.
Les consommateurs sont habitués aux techniques publicitaires. La disruption permet à la marque de prendre du recul vis à vis de sa communication habituelle.
Par la suite avec l’essor du numérique, un nouveau modèle apparaît : « la conversation ».
C’est la nouvelle ère du storytelling.
Il s’agit de trouver des messages nouveaux à adresser à son public, tout en restant cohérent avec la stratégie globale, le storytelling et les valeurs de la marque.
Le storytelling est donc prédominant.
Le storytelling est un art du conflit
Les histoires sont la narration d’un combat entre l’incarnation d’un désir (notre personnage) et des obstacles qu’il va rencontrer.
Les notions de réussite et d’échec sont au cœur d’une bonne histoire.
Le but d’un storryteller est de parvenir à dramatiser ce doute. Ce désir est profond pour le personnage.
Les personnages sont en changement constant permettant la création de manière perpétuelle d’une tension narrative.
Il est nécessaire de composer notre histoire de trouver une causalité en plus du désir et des obstacles.
Le conflit dans un récit est créé entre autre par des causes qui ont des conséquences.
Par exemple nous pouvons débuter par ceci : « un aventurier a découvert un trésor ».
Celà correspond uniquement à une information simple. Il manque cependant des éléments fondamentaux pour faire un storytelling satisfaisant.
Nous pouvons essayer par ceci : « Après le naufrage de son navire sur une île déserte, un aventurier est tombé par hasard sur un trésor ».
Avec cette approche nous pouvons constater que la découverte du trésor sur une île déserte est la première tension nécessaire pour développer notre récit.
Nous pouvons nous demander comment l’homme va pouvoir s’échapper de cette île avec le trésor, comment il a fait naufrage, que va t-il faire de ce trésor, à qui appartient ou appartenait ce trésor etc…
C’est la causalité qui donne un sens et permet de révéler notre conflit fondateur.
La base de la dramaturgie repose sur trois piliers fondamentaux : un conflit, un désir et de la causalité.
Notre personnage est une machine à se fabriquer du désir.
Tous les grands storytellers possèdent leurs envies favorites pour leurs protagonistes. Par exemple, l’argent, le bonheur, l’amour, l’immortalité etc…
Concernant la publicité, le conflit est un élément essentiel pour le positionnement de la marque. Ce conflit lui permet d’apporter le sens de la marque.
L’utilisation du storytelling permet de mettre en avant cette tension en apportant à la marque une raison d’exister et donc une raison d’être acheté.
De ce fait on retrouve de plus en plus chez les marques des notions de mission et de valeur.
Il existe deux formes de conflit chez les marques, ceux qui sont plutôt concrets et lié à la concurrence sur le marché, par exemple « McDonald’s » et « Burger King ». Et les autres plus abstraits comme par exemple la volonté de diminuer la pollution pour la marque californienne « O’Neill ».
Le storytelling est au début, un ensemble de techniques et de compétences pour narrer une histoire.
Quand on le rapporte à la communication, il permet de délivrer un message sous la forme d’une histoire, d’un récit.
Depuis les avancées technologiques et l’arrivée de l’ère du numérique, le sens du terme a endossé une nouvelle signification.
Il désigne désormais l’ensemble des expressions d’une organisation à chaque aspect de contact entre la communication et son public.
Il n’est pas possible pour une marque de ne pas communiquer. Même si c’est son désir.
Tout participe à construire ce que nous pouvons appeler un « métarécit ».
Une marque génère des messages, des contenus, des produits qui entrent dans sa communication. Ces éléments expriment son histoire.
La marque est aussi un média.
Pour positionner une marque il faut lui donner un sens. Ce sens permet de créer un repère mental sur un marché.
Le storytelling est comparé à un iceberg. Le public est en contact avec la partie émergée. Le volume immergé reste tout de même la partie la plus imposante. C’est cette partie qui met en place et organise la stratégie de la marque.
La partie visible correspond à un regroupement de tous les éléments de l’expression de la marque. Elle comprend les messages, les contenus, les produits et les services.
C’est à dire l ‘expérience de la marque.
Concernant la partie immergée, on y trouve la « vision » de la marque et sa mission.
La mission de la marque exprime les valeurs de la marque. Ces valeurs sont essentielles quand une marque doit décider comment laisser son empreinte culturelle sur son public.
La vision comprend la notion de « l’insight » qui est un concept désignant en marketing, une forme d’idée. Cette forme d’idée va permettre de révéler la nécessité de produire un produit ou un service sur le marché. La vision est essentielle au storytelling d’une marque.
Une stratégie de communication doit posséder une vision à long terme ainsi que de nombreuses opérations au service de cette vision.
Aujourd’hui Internet est le premier outil de communication global. C’est un système qui produit un volume incroyable d’informations. La marque est un média comme les autres il faut faire en sorte qu’elle arrive à ressortir dans ce flux continu d’informations.
La marque doit donc évoluer en s’adaptant au fur et à mesure au fil des interactions avec son public et son environnement.
L’utilisateur s’attend à ce qu’elle soit réactive sur internet et disponible 24 heures sur 24.
Elle doit donc favoriser les conversations avec les utilisateurs.
Par exemple, avec les réseaux sociaux la marque peut communiquer via un community manager.
La conversation entre la marque et les clients va créer une pluralité d’échanges quotidiens. Le but de la marque est de conserver une cohérence durant ces échanges.
A chaque interaction avec le public, la marque doit d’assurer que les petites idées (opérations de communication plus réduites) mises en place servent la grande idée générale en cohérence avec la vision.
Les produits, services d’une marque sont des promesses. Elles doivent être respectées.
De même pour les échanges avec le client. Il faut être à son écoute.
Il faut que, dans notre storytelling, il se retrouve acteur au centre de l’histoire.
La communication et le produit proposé deviennent des éléments essentiels dans une stratégie marketing. Des valeurs sont véhiculées : la valeur d’image, c’est ce que le public en retient de façon symbolique et la valeur d’usage qui correspond à son utilité concrète et immédiate.
Concernant le storytelling, l’expérience de marque est une partie à ne pas négliger.
L’expérience de marque est constituée par l’ensemble des émotions et perceptions ressenties par un consommateur à l’égard d’une marque à l’occasion de ses différentes opportunités de contacts (visites points de vente, utilisation du produit, contact avec la publicité etc…).
Le concept d’expérience de marque a été théorisé en 1998 par B. Joseph Pine et James H. Gilmore dans un article de la Harvard Business Revue. L’article avait pour titre : Welcome to the experience economy. Ils décrivent les fondations de l’expérience de marque.
Selon eux, cinq éléments sont nécessaires pour construire une expérience de marque.
On trouve, les souvenirs (qui correspondent à une expérience positive et réussie. Elle laisse une trace émotionnelle au public) , le thème (qui correspond à l’élément fondateur de l’expérience et qui conditionne la cohérence) , la sensualité (qui correspond à l’expérience sensorielle du consommateur) ainsi que les impressions positives et négatives.
Une marque doit être disponible et accessible constamment. Il faut que la marque à chaque contact avec le consommateur provoque une expérience positive. Le but recherché est que le consommateur, qui est aussi l’utilisateur de nos produits ait envie de créer du contenu en rapport avec l’expérience qu’il vient de vivre. De le partager auprès de ses amis, sur les réseaux sociaux.
De ce fait personne ne possède réellement le monopole de l’expérience de marque. Il y a une sorte de copropriété.
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